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Sur la trace de nos ancêtres - Interview archéologique

vendredi 26 juin 2015, par Hugo Struna

Le volet archéologique conduit par le responsable de mission Richard Oslisly concernera deux cavités en particulier : la grotte de Pahon et celle de Kessipougou. Son objectif : en savoir plus sur les populations humaines qui se sont succédées ici et là. Avant notre départ nous avons contacté l’archéologue, déjà sur place, et impatient de démarrer la mission.

H.S : Les études que vous avez menées depuis les années 90-2000 dans certaines cavités de Lastoursville, ont révélé des traces de passages humains successifs. Les plus vieux datent de l’âge de la pierre récent (8000 ans). Que venaient faire ces hommes dans les cavernes ?

R.O. : Les analyses de charbon de bois retrouvé dans le guano de chauve-souris (voir encadré) ont été assez surprenantes : nous avons identifié une forte concentration de seulement quelques espèces végétales sur quantité d’échantillons. Parmi elles, un arbre hautement symbolique dans la culture ancestrale gabonaise : le padouk, toujours utilisé aujourd’hui pour des rituels notamment. Le guano a également révélé des traces de Strophantus, un poison extrait d’une liane que l’on apposait sur les pointes de flèches pour foudroyer le gibier. Ces artefacts végétaux ajoutés aux traces d’industrie lithique (pierre taillée), laissent penser que les présences furent exceptionnelles, à des fins magiques ou médicales.

Remonter le temps dans le guano…
Dans les cavités souterraines, et en particulier à Lastoursville, une vraie mine archéologique est exploitée : le guano de chauve-souris cavernicoles. Les déjections contiennent des fruits, graines, mais aussi du pollen et toutes sortes d’éléments composant l’environnement du milieu à un moment donné. Au fil du temps le guano s’accumule dans la grotte en couches horizontales successives. L’ensemble des dépôts peut atteindre plus de deux mètres de profondeur ; les couches les plus profondes correspondent aux plus anciennes, et les plus superficielles les plus récentes. En creusant le guano par carottage les scientifiques peuvent ainsi remonter le temps.
Tranchée dans le guano à la recherche d’indices paléoenvironnementaux
C’est dans l’accumulation du guano de chauves-souris que l’on peut trouver des indices du passé : pollens, charbons, os, diatomées, mais aussi C13.

H.S. : Vous avez également identifié des scènes de chasse dans une autre caverne.

R.O. : Oui à Kessipougou, nous avons trouvé des éclats de pierres de taille, des résines - qui témoignent de l’utilisation de torches -, mais aussi de nombreux ossement de chauves-souris datés de 6000 ans. Comme aujourd’hui ces animaux, chassés pour leur viande principalement, abondaient dans les cavités !

H.S.:Comment allez-vous remonter le temps cette fois-ci ?

R.O. : Nous allons poursuivre les carottages dans le guano, en espérant qu’ils contiennent de nouvelles informations, sur nos ancêtres d’une part mais aussi sur les environnements dans lesquels ils ont vécu.

H.S. : Des mystérieuses perles ont été retrouvées en 2013 (voir encadré). Elles dateraient d’il y a 100-150 ans. Cela correspond à la période de la colonisation…

R.O. : Oui, nous n’avons pas pu dater précisément ces perles car elles étaient en partie enfouies à la surface du sol. Si nous ne savons toujours pas à qui elles appartenaient ni comment elles se sont retrouvées dans les grottes, les experts pensent qu’elles remontent à au moins une centaine d’années, probablement lors de la colonisation française. Un enterrement, une bagarre ? Le fait de résistants à la colonisation, comme il y en a eu dans cette région du Gabon ? Seuls de nouveaux indices nous apporteront une réponse.

Perles et clochettes de la grotte d’Itsoulou


Dans la grotte d’Itsoulou, ces chercheurs ont retrouvé en 2013, enfouis dans la surface du sol, 45 perles de couleurs bleues et blanches, des clochettes en étain et en fer, une pointe de flèche traditionnelle. Autant d’indices de plusieurs passages humains, à différentes époques.

H.S.:Qu’aimeriez-vous découvrir lors de cette mission Lastoursville 2015 ?

R.O. : Etant donné que des cavernes restent encore inexplorées, et que nous n’avons aucune connaissance de la vie humaine dans la région à ces époques lointaines, qui sait ce que nous y trouverons ? Une grotte d’installation permanente n’est pas à exclure. Et si au fin fond de la forêt dense reposait… le « Chauvet gabonais » !

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